Depuis le 18 mars 2022 et la revendication par la Russie de la destruction d’un dépôt de munitions en Ukraine, le monde est officiellement rentré dans l’ère des armes hypersoniques. Annoncées dans le domaine de l’armement comme LA rupture technologique du moment, elles représentent un défi pour tous les systèmes de défense du monde mais devraient aussi devenir, dans les mois qui viennent, un must-have de tout bon blockbuster, au cinéma ou dans le jeu vidéo…
La vitesse hypersonique, c’est quoi ?
Il a fallu environ un demi-siècle à l’aéronautique pour atteindre la vitesse supersonique (soit le passage du Mur du son, à 1 235 Km/h, ou plus communément, Mach 1). Puis, au cours de la Guerre Froide, les deux blocs ont dépensé énormément de temps et d’argent pour rendre avions et missiles de plus en plus rapides.
C’est là, dès les années 50, que des percées sont réalisées sur les statoréacteurs (ramjet): ce type de moteur à réaction permet théoriquement d’atteindre Mach 5 (frontière théorique de la vitesse hypersonique) mais il est incapable de fonctionner à vitesse nulle et ne peut donc être qu’utilisé en complément des turboréacteurs.
Le célèbre Chuck Yeager est le premier homme à franchir le mur du son en 1947, à bord du Bell X-1.
En outre, si c’est le ramjet qui constitue bien la base des recherches sur l’hypervélocité, ce n’est en réalité que très récemment que l’on a pu franchir la vitesse hypersonique, car elle demande une puissance de calcul et des matériaux extrêmement performants qui ne sont apparus que dans les années 2010.
Elle implique aussi de posséder une motorisation spécifique : le superstatoréacteur (scramjet), qui est un statoréacteur à combustion supersonique, permettant d’envisager Mach 15. Problème, il ne fonctionne qu’à partir de Mach 5, ce qui nécessite donc de l’associer, lui aussi, à un statoréacteur…
Des missiles toujours plus rapides
Si pour un corps humain, s’envoler à ces vitesses est inenvisageable, des missiles hypervéloces sont, eux, susceptibles de bouleverser les équilibres établis depuis bientôt 80 ans.
La course à l’armement hypersonique s’est donc focalisée autour du design d’un missile de croisière à la fois doté d’une grande vélocité (au moins 6 000 Km/h), et d’une grande manœuvrabilité.
Ces missiles sont potentiellement capables de renverser des rapports de force défavorables, et ce n’est donc pas un hasard si les pays en pointe sur le domaine sont les rivaux des USA : Les Russes se sont proclamés leaders dans ce domaine depuis quelques années déjà (avec le Zircon, ou le Kinjal), et seront probablement bientôt rattrapés par les Chinois.
En outre, les premiers missiles hypersoniques ont été mis au point dans un domaine bien précis : celui des missiles antinavires, parfois appelés “tueurs de porte-avions”.
Les planeurs hypersoniques : l’avenir de la dissuasion ?
Les recherches sur les armes hypervéloces ont fait émerger un second concept : celui de planeur hypersonique. Ici, il n’est plus question de frappes tactiques, mais bien de vecteurs stratégiques destinés, en priorité, à emporter des armes nucléaires.
Un planeur hypersonique est, comme un missile balistique ou un lanceur spatial, propulsé de manière conventionnelle dans la haute atmosphère. Mais c’est ce qui se passe après qui est novateur : l’engin, qui file à Mach 20 en trajectoire elliptique, a été conçu pour être extrêmement manœuvrable en plus d’être rapide : sa trajectoire est donc imprévisible, et il est donc en mesure de déjouer tous les systèmes anti-missiles actuels.
Plus encore que les missiles hypersoniques, les planeurs restent l’apanage des plus grandes puissances spatiales : il faut par exemple maitriser la rentrée atmosphérique grâce à un bouclier thermique résistant à 2 000 degrés. Et ici encore, la Russie se veut en pointe avec son Avangard, suivie de près par la Chine.
D’ici quelques années, les USA et un certain nombre de pays européens (dont la France) devraient, eux aussi, disposer de leurs propres armes supersoniques. Ces dernières seront, selon toute vraisemblance, prioritairement montées sur les sous-marins et les navires, tels les destroyers de classe Zumwalt vers 2025.
La rupture des armes hypersonique remet-elle jeu la stabilité stratégique ? Difficile à dire aujourd’hui. Mais ces armements font à coup sûr un fantastique sujet pour tout scénario mature et ancré dans la réalité, tant leur avènement est considéré comme un nouveau “moment Sputnik”.