Le lance-grenades

Le lance-grenades fait partie des armes emblématiques du jeu vidéo, des premiers shooters 2D comme Metal Slug, jusqu’aux FPS ou TPS les plus récents. Mais un peu à la manière des shotguns, on en a fait, pour des raisons de game design,  une arme “imprécise” là où, en réalité, elle demande une grande précision.

 

Un peu d’histoire…

Si le lance grenade peut être utilisé en tir indirect (c’est-à-dire en restant à couvert), c’est pourtant bien en tir direct qu’il trouve son efficacité optimale, lorsqu’il s’agit, en tir tendu, de dégager une cible qui est, normalement, trop durcie pour être neutralisée par les armes légères.

Conçu pour améliorer le lancement (portée et précision) d’une grenade lancée la force du bras, le lance-grenades apparait à la Renaissance, et l’appellation “grenadier” est, d’ailleurs, initialement employée pour ce type d’unité d’assaut. Leur efficacité n’est pas d’un apport décisif au combat d’infanterie, mais les choses évoluent au 19e siècle avec l’apparition des grenades à fusil, et surtout après la Seconde Guerre Mondiale, où les retours d’expérience des Bazooka ou Panzerfaust confirment l’intérêt de lanceurs de grenades individuels.

A partir de là, la famille du lance-grenades va se diversifier, de l’arme individuelle à l’accessoire monté, à coup unique ou à répétition, jusqu’au modèle lourd monté sur trépied ou véhicule. Nous présenterons ici trois modèles iconiques, étant bien entendu que des dizaines d’autres existent…

Le classique : le M79

Destiné à remplacer les peu précises “grenades à fusils” des Guerres Mondiales, qui sont en outre difficiles à utiliser au combat car elles nécessitent des manipulations de l’arme, le M79 est associé au GI de la Guerre du Vietnam, dont il augmente significativement la puissance de feu, remplaçant souvent le mortier léger lors des combats en jungle. En outre, l’arme impose le calibre de 40 mm, qui va devenir le standard pour ce type d’arme.

L’icône : le M203

Le M203, qui fait partie de la famille des lance-grenades “montés”, est probablement le lance-grenades le plus célèbre, tant il est attaché à l’image du Marine équipé du couple M16/203 et qu’il se retrouve dans nombre de jeux et de films des années 80 et 90.

Le M203, contrairement au M79, a été conçu comme une fusion du LG avec le fusil d’assaut, dans une volonté d’éviter au combattant d’avoir à transporter une arme supplémentaire. Pourtant, dans la réalité, le concept s’avère peu ergonomique et, au final, peu utilisé, même si le modèle été vendu à des millions d’exemplaires à travers le monde.

La modernité : le Milkor MGL

Conçu par MILKOR, un armurier sud-africain, le MGL (pour Multiple Grenade Launcher) est un formidable succès commercial. Produit des années 1980, il est doté d’un barillet de 6 munitions déchargeables en 3 secondes, ce qui augmente très largement la puissance de feu si on le compare à ses prédécesseurs à tir unique.

Plusieurs fois modernisé, le MGL offre aujourd’hui une ergonomie adaptée aux besoins du fantassin moderne, avec notamment l’apport d’une crosse repliable et d’un rail Picatinny (lien) pour monter des systèmes de visée.

Arme particulièrement efficace et polyvalente, le LG mérite peut-être mieux que la place qui lui est aujourd’hui accordée dans le jeu vidéo, qui la cantonne à des personnages de « tank » ou de « destroyer ». D’autant plus qu’arrivent aujourd’hui sur le marché de nouveaux modèles particulièrement intéressants, et que les munitions elles-mêmes sont en pleine évolution…

Les hovercrafts

Monstres d’acier conçus pour l’assaut amphibie, les aéroglisseurs, ou Hovercrafts, sont des icones de la pop-culture, et en particulier du jeu vidéo. On les voit par exemple, en 2011, foncer sur Hambourg dans Call of Duty Modern Warfare 3, ou être au cœur des affrontements de Battlefield 2042 (même si leur utilisation dans ce dernier est totalement irréaliste).

 

Des hovercrafts pour quoi faire?

Les aéroglisseurs militaires sont des engins massifs déployables qui fonctionnent sur un principe simple de la portance aérostatique sur coussin d’air sous faible pression, associée à la propulsion aérienne.

D’abord développé pour le civil, les aéroglisseurs ont pour mission d’établir des liaisons rapides entre des côtes peu éloignées, ou de pouvoir se déplacer rapidement sur des terrains marécageux ou glacés. Ils sont pourtant mis en retrait à partir des années 70 en raison de la multiplication des liaisons aériennes, et de l’augmentation du cout du carburant dont ils sont très consommateurs.

Les aéroglisseurs militaires répondent, globalement, aux mêmes besoins : projeter rapidement des forces importantes sur une plage, mais avec des doctrines différentes selon les pays… Et même s’ils n’ont jamais participé à la moindre opération amphibie d’envergure, ils restent en service dans quelques unes des principales forces armées du monde.

 

Instrument de prédilection pour le futur de l’US Navy ?

Les Marines, pour lesquels le débarquement amphibie est inscrit dans les gènes, et l’US Navy étudient le concept d’hovercraft depuis les années 1970. L’idée est de disposer d’engins rapides capables de projeter rapidement de grandes quantités de forces sur les plages à partir de navires de débarquement (comme les porte-aéronefs de classe Wasp) ou depuis des bases côtières.

Plusieurs prototypes d’engins lourds ne verront pas le jour, mais la Navy est dotée depuis 1984 du L.C.A.C. (Landing Craft Air Cushioned), une bête de 26 mètres et 182 tonnes à pleine charge. Entre 1987 et 2001, 91 modèles sont produits et servent notamment pendant la Guerre du Golfe.

Avec l’intensification des opérations dans la zone Pacifique, les hydroglisseurs redeviennent un engin particulièrement intéressant (comme l’hydravion d’ailleurs) et 68 LCAC vont être modernisés en attendant l’arrivée d’un nouvel engin, porté par le programme Sea BasetoShore Connector (SSC).

 

Les monstres russes et chinois

Pour l’URSS, la conception, à partir des années 60, d’engins géants, hydroglisseurs et ékranoplanes s’explique principalement, dans la perspective d’un conflit avec l’OTAN, par la nécessité de saisir au plus vite des détroits en Mer Noire, en Caspienne ou dans la Baltique en y projetant beaucoup d’hommes et de blindés, à même d’établir de solides têtes de pont.

C’est ainsi que naissent le Murena ou l’iconique Zoubr, long de 57 mètres, le plus gros hydroglisseur au monde, équipé de lance-roquettes multiple et pouvant transporter 500 hommes ou 3 chars lourds. Aujourd’hui, portée par ses ambitions en mer de Chine, la marine chinoise est devenue l’un des principaux utilisateurs d’hydroglisseurs lourds avec 2 Zubr, ainsi que plusieurs modèles produits localement comme le Type 726 “Yuyi”. De quoi à se confronter rapidement aux LCAC et à leurs successeurs…

Au même titre que les portes hélicoptères ou autres bases flottantes , ou même les appareils convertibles « tiltrotor » ou hydravions, les hovercrafts auront probablement un rôle important à jouer dans les conflits de demain, où les opérations amphibies sont déjà appelées à être déterminantes. Une bonne raison d’en comprendre l’intérêt, et de les intégrer au plus vite (et de manière cohérente) dans les scénarios…

La gestuelle militaire

Dans la course perpétuelle du jeu vidéo pour plus d’immersion et de réalisme, l’animation des protagonistes fait l’objet d’améliorations continues. Que l’on parle de FPS, ou de shooter à la troisième personne, la gestuelle et l’authenticité militaire font partie intégrante des arguments avancés par les éditeurs. Et pourtant, même en s’appuyant sur la meilleure expertise possible, peut-on vraiment dire que l’on joue aujourd’hui à des jeux réalistes ?

 Ci-dessus: une scène marquante de la campagne de Call of Duty: Modern Warfare (2019).

 

La révolution Metal Gear Solid 

Aujourd’hui, chaque série, Blockbuster ou jeu vidéo a son équipe de conseillers militaires, qui est censé garantir un certain niveau de qualité quant à la retranscription de ce qu’est une action tactique… ou pas !

En effet, dans le jeu vidéo en particulier, on a aujourd’hui cet étrange sentiment que les Metal Gear Solid, et notamment les épisodes 2 et 3 qui ont été, en leur temps, une véritable révolution, n’ont jamais été égalés en termes d’authenticité.

Remettons-nous dans le contexte : après l’immense succès du premier opus en 1998, l’éditeur japonais Konami passe la seconde dès 2002 en profitant d’une nouvelle génération de consoles. Les développeurs s’appuient alors sur l’expertise de Motosada Mori, un ancien de la Légion Etrangère, pour travailler sur le réalisme des affrontements.

C’est lui qui, d’une part, imprègne les équipes d’un esprit tactique (notamment en organisant des affrontements dans les studios), et conseille les animateurs dans la gestuelle des personnages, dont les mouvements sont, aujourd’hui encore, impressionnants de réalisme.

Le making of de MGS2 nous montre l’importance de la culture tactique sur le rendu final (à 10min):

La formule est encore améliorée en 2004 avec MGS 3. Une fois encore, c’est Mori qui est à la baguette, et le système de Close Quarter Combat qu’il parvient à générer reste, à ce jour, inégalé dans le jeu vidéo.

 

Le jeu en ligne compétitif, ennemi de l’authenticité ?

Au début des années 2000, la MoCap (pour Motion Capture) est encore balbutiante et l’aspect opérationnel est, dans les FPS comme les premiers Call of Duty ou Medal of Honor, principalement généré par des effets de mise en scène. Pour les jeux plus tactiques que sont alors les SWAT ou Rainbow 6 (et oui, cette série a été, à une époque, le must en matière d’authenticité et de réalisme), on commence à avoir des options de planification et d’ordres à donner, même si ces derniers restent encore rigides. Au final, seul Sam Fisher, héros des Splinter Cell, semble avoir retenu la leçon de MGS, et adopte une gestuelle de félin…

Au fil des ans, le perfectionnement de la Mocap, de l’ambiance sonore et des effets spéciaux rendent  l’expérience plus immersive, et irriguent l’ensemble des productions. En 2019, dans Call of Duty Modern Warfare, l’assaut des SAS sur un immeuble londonien est digne, tactiquement et visuellement, d’une grosse production hollywoodienne.

Et pourtant… Si l’on prend par exemple l’exemple de Ghost Recon Breakpoint, le travail réalisé sur l’animation est remarquable, notamment grâce à l’apport d’ Alex french SAS, mais le jeu n’est authentique ni sur l’aspect tactique, ni sur son scenario, qui garantissait aussi l’adhésion des fans de Tom Clancy…

Au final, on se dit qu’aujourd’hui, la généralisation des mondes ouverts, et surtout des Fast FPS, où le sprint est le mode de déplacement standard, a conduit au paradoxe d’une animation sans cesse plus fluide, mais utilisée dans des situations de moins en moins réalistes pour satisfaire une nouvelle génération de joueurs.

Rainbow 6 a pris un tournant compétitif. Mais est-il toujours Rainbow 6 ?

 

Espérons cependant qu’avec le renouveau du Tactical, style qui fait l’éloge de la « lenteur » (ou plutôt de l’efficience) de la gestuelle tactique et de la planification militaire, nous puissions un jour rejouer à des jeux visuellement authentiques mais scénaristiquement intéressants et réalistes.

La militarisation des hélicoptères civils

La plupart des hélicoptères, qu’ils soient civils ou militaires, sont conçus comme des plateformes particulièrement modulables, de véritables couteaux-suisse capables de s’adapter à différents types de missions. Pour autant, militariser un hélicoptère civil (ou le « crafter » pour reprendre un terme de gamer) n’est pas aussi facile qu’on pourrait le penser. A moins que…

 

La tradition des Alter Ego

Pour des raisons évidentes de maitrise des couts, il y a bien longtemps que la plupart des modèles d’hélicoptères moyens ou lourds sont déclinés en version civile et militaire. Souvent, les modèles civils dédiés aux applications de sécurité civile (sauvetage en mer, lutte anti-incendie) ou d’industries spécialisées (transfert de personnel sur les plateformes offshore) sont, de par leurs contraintes de rusticité et de fiabilité, très proches des cahiers des charges exigés par les militaires.

Pour autant, un hélicoptère de combat va toujours plus loin en termes de redondance ou de motorisation, qui doit notamment absorber le poids supplémentaire d’une structure renforcée, d’un blindage ou de systèmes d’arme ou d’observation, et permettre des manœuvres évasives…

Dès lors, son développement coûte extrêmement cher, et ce même si on dispose d’une base civile éprouvée et appréciée (ce qui ne garantit d’ailleurs pas son équivalent dans une utilisation militaire).

 

Du bricolage aux solutions hybrides

A Las Vegas, une société vous propose de tirer à la mitrailleuse depuis des hélicoptères initialement civils.

 

S’il est bien une tendance à l’œuvre dans le monde militaire, c’est celle de la militarisation de plateformes civiles, et nous avons déjà évoqué ce concept dans le cadre du CAS ou de la projection maritime pour les opérations spéciales.

D’abord réalisée de manière artisanale par quelques soudures et le montage de mitrailleuses ou de paniers de roquettes (sans forcément respecter le cahier des charges), la « militarisation » d’appareils civils s’est progressivement professionnalisée, avec l’apparition de solutions « clé en main » pour l’appui rapproché, mais aussi le renseignement et les missions de recherche ou de sauvetage.

Depuis quelques années, des constructeurs réfléchissent aussi à plus de modularité pour les armes embarquées. Airbus par exemple, avec son concept « H-Force », propose un système plug’n play où les matériels sont interchangeables d’un aéronef à l’autre.

Pour autant, il s’agit toujours de solutions hybrides, qui tentent de faire cohabiter deux mondes qui n’avaient pas vocation à se rencontrer…

 

Militariser un hélicoptère civil, une bonne idée ?

 

La pandémie et la crise qu’elle a provoqué pour le secteur aéronautique a conduit la plupart des constructeurs à adopter une solution encore plus pragmatique : la véritable « militarisation » de variantes commerciales, au prix d’un passage de quelques jours dans les mains d’une équipe spécialisée.

Cette tendance lourde est observée sur les derniers salons d’armement, et le fabricant le plus en pointe sur le sujet semble bien être l’américain BELL. Avec sa solution « HOSS » (Pour Huey Ordnance Store System) , il propose de transformer tous type d’hélicoptère commercial en engin militaire, pour un coût réduit et avec la garantie de bénéficier très rapidement d’une plateforme fiable et performante.

De fait, plusieurs armées du Moyen-Orient ont, d’ores et déjà, choisi de militariser le Bell 407 avec un panel complet d’armement, mais aussi des capteurs et des systèmes de vision nocturne. Seul bémol : la puissance moteur qui reste largement « civile » et ne permet ni l’emport d’un blindage conséquent, ni des performances accrues au combat.

Dans tous les cas, la militarisation des appareils civils offre des opportunités particulièrement intéressantes pour le jeu vidéo, où crafting et customisation font aujourd’hui partie intégrante du game design.