Les ékranoplanes

Si la pop-culture regorge de “Wunderwaffen” (armes miracles nazies) ou de projets militaires secrets issus de la Guerre Froide, on peut en revanche s’étonner de ne jamais l’avoir vue s’emparer d’un engin pourtant bien réel et parfaitement opérationnel : l’Ekranoplane. Et pourtant, on ne peut pas dire que ce genre de monstre, mi avion, mi navire, soit véritablement discret, et son look badass devrait immédiatement le qualifier comme un incontournable du jeu vidéo ou du blockbuster

 

L’effet de sol…

L’Ekranoplane (ou Ekranoplan) n’est, contrairement à ce que son apparence laisse penser, ni un avion, ni un navire. Il est ce qu’on désigne comme un engin à effet de sol.

L’effet de sol est un phénomène aérodynamique qui survient lorsqu’un objet volant se trouve près du sol. Il génère alors, par sa portance et sa trainée, un coussin d’air qui décuple ses performances. Les oiseaux maitrisent parfaitement cette propriété, qui est aussi très utilisée par les pilotes d’hélicoptère, ainsi que dans le sport automobile.

Le concept d’Ekranoplane, inventé par l’ingénieur russe Rostislav Alekseïev, exploite au maximum cette particularité physique : l’engin, équipé de puissants réacteurs, prend de la vitesse sur une surface aquatique, jusqu’à générer suffisamment de portance pour déclencher le fameux “effet de sol”, tout en restant le plus près possible de l’eau pour en maximiser le bénéfice.

 

Une arme miracle pour les Soviétiques ?

Pour l’URSS, la recherche sur les Ekranoplanes répond, globalement, à la même doctrine que celle qui porte les projets sur les hydroglisseurs géants  : transporter le plus vite possible (et sous les seuils radar) d’importantes quantités d’hommes et de matériels pour saisir des détroits stratégiques en Baltique, en mer du Nord, en Caspienne ou en Mer Noire…

Si l’option de l’hydroptère (navire équipé de foils, technologie aujourd’hui présente sur de nombreux bateaux de course, ainsi que sur certains semi-rigides destinés aux forces spéciales) est, un temps, étudiée, les ingénieurs soviétiques privilégient, dès les années 50, le concept d’Ekranoplane.

Ils se lancent alors, sous les ordres d’Alekseïev, dans la construction en mer Caspienne de toute une série d’appareils géants, dont le plus célèbre est le KM, surnommé le “Monstre de la Caspienne” : un ékranoplane de 100m de long, 40m d’envergure, et qui atteint la masse incroyable de 540 tonnes.

L’un de ses dérivés, le Lun, est aussi, en 1987, le seul Ekranoplane de combat à avoir passé le stade de prototype : armé de 6 missiles antinavires, il devait être capable de lancer des attaques fulgurantes sur les flottes ennemies.

La complexité et le coût exorbitant des Ekranoplanes auront raison de ce programme : au final, très peu d’exemplaires seront construits ou même mis en service avant l’effondrement de l’URSS. Aujourd’hui, la plupart de ces monstres pourrissent sur les bords de la Caspienne, mais certains sont aussi conservés dans des musées.

 

Le renouveau des Ekranoplanes ?

Si l’échec des projets soviétiques tient en partie à leur démesure, le concept d’Ekranoplane reste pertinent.

Aujourd’hui, plusieurs sociétés continuent donc à miser sur cette technologie, avec des projets bien plus modestes, et en y apportant les innovations modernes, notamment structurelles. L’idée est notamment de fournir des services équivalents à ceux des hydravions : ravitaillement, transport ou secours.

Projet britannique Seaglider pour des traversées de la Manche en 2028 – © Brittany Ferries / Regent

 

Mais alors que le combat amphibie a le vent en poupe, et que l’on parle de la zone Pacifique ou de l’Arctique comme de futures zones de conflit, les militaires voient aussi un avenir à l’ékranoplane : les Russes et les Chinois ont d’ores et déjà annoncé travailler sur de nouveaux concepts, et la DARPA américaine a aussi relancé en 2021 des études conceptuelles.

Alors, les ékranoplanes, spectaculaires appareils, vont-ils faire leur retour sur le champ de bataille du futur ?  Il est encore trop tôt pour le dire, mais ils mériteraient sans doute d’être plus présents dans le jeu vidéo, ou même pourquoi pas, le cinéma, car ils s’intègrent parfaitement dans des scenarii de techno-thriller ou de films d’action…

Les véhicules MRAP

Les vingt dernières années ont vu l’émergence globale et massive des MRAP (pour Mine Resistant Ambush Protected), véhicules surblindés et bardés d’électronique. Une tendance lourde (et c’est le cas de le dire) qui a fait de ces engins au look badass la coqueluche des jeux vidéo, des séries et des blockbusters… Mais, dans la réalité, les MRAP sont-ils le futur du véhicule militaire  ?

Ci-dessus: le Hummer, même renforcé, paraît désormais minuscule à coté de blindés MRAP.

 

La fin des « Humvees »

Avec le début des guerres en Irak et en Afghanistan, c’est l’un des symboles de l’Amérique qui montre ses limites. En effet, le Humvee, symbole indestructible des années Reagan, adulé par Arnold schwarzenegger et toute une génération de rappeurs, se trouve incapable de protéger les soldats. En quelques mois, des centaines de ces véhicules sont mis hors de combat, et les pertes humaines s’accumulent…

En effet, les insurgés irakiens, Al Qaeda et les Talibans qui ont su s’adapter et glisser de plus en plus vers des méthodes de “techno-guérilla” et l’usage massif des engins explosifs improvisés (les fameux “IED”). Les Humvees (tout comme l’ensemble des véhicules bâtis sur le même standard durant la Guerre Froide) montrent alors leurs faiblesses : un blindage insuffisant, un châssis inadapté face aux mines et aux explosifs, et l’absence de protection pour les servants de mitrailleuses, surexposés aux snipers et lors des embuscades.

Le JLTV (Joint Light Tactical Vehicule) d’Oshkosh est le successeur officiel du Humvee dans l’US Army.

 

La naissance de monstres

Après une tentative de parer à l’urgence en renforçant le blindage des Hummer (peu concluant d’ailleurs, les plaques additionnelles se transformant parfois en projectiles mortels pour les occupants du véhicule), les Américains d’abord, puis l’ensemble des armées et industriels dans le monde, comprennent que cette nouvelle forme de guerre implique de concevoir une nouvelle catégorie de véhicule, à même de protéger les hommes.

Dès le milieu des années 2000, les premiers MRAP imposent donc le concept d’un véhicule surélevé, surblindé et bardé d’armements téléopérés et de capteurs divers. De plus, la plupart d’entre eux ont un look résolument agressif, destiné à imposer leur présence et leur puissance de feu.

Ce dernier point n’est d’ailleurs pas négligeable, puisqu’il leur permet aussi de s’imposer dans beaucoup de forces de police, où ils sont utilisés pour le maintien de l’ordre, et de devenir un must have de tout film d’action, comme par exemple dans la série Fast & Furious.

 Fast and Furious 6.

 

Trop lourds ? Trop sophistiqués ? Trop chers ?

En quelques années, la plupart des fabricants de véhicules militaires ont imposé un ou plusieurs MRAP à leur catalogue. Sur les salons d’armement, on est aujourd’hui frappé de voir cette multitude de véhicules à roues, qualifiés de « légers », mais qui sont en réalité plus massifs que certains chars!

La plupart des MRAP sont aujourd’hui plus imposant qu’un char de bataille.

De fait, en plus de leur coût prohibitif qui ne leur permet pas de se substituer totalement au parc antérieur, les MRAP posent des problèmes de surconsommation de carburant, et de nombreux défis en ce qui concerne leur maintenance, rendue beaucoup plus difficile par la surabondance de systèmes électroniques et optroniques.

 Sur le plan opérationnel, se pose aussi la question de véhicules censés être mobiles et légers, mais en réalité si lourds et larges qu’ils ne peuvent pas emprunter toutes les pistes, ni pénétrer dans certains villages. De plus, leur image de vraie “forteresse” est aujourd’hui jugée comme contre-productive et exagérément agressive vis-à-vis des populations civiles, notamment dans des opérations de l’ordre.

Ces paradoxes font qu’aujourd’hui, de plus en plus de forces armées sont en recherche de l’exact contraire des MRAP : des véhicules légers et rapides, voire même découverts : buggys, quads, véhicules hybrides voire technicals… Un large panel donc, qui peut être utilement exploité par l’industrie de l’entertainement, à condition toutefois de conserver un semblant d’authenticité…

Ready or not… pour la nouvelle référence du tactical shooter ?

Disponible en early access depuis le mois de décembre, Ready or Not (RoN) se présente comme le successeur spirituel à la série SWAT. En proposant une formule à l’ancienne, réaliste et tactique, et des scenarii ancrés dans la réalité, le tactical shooter a réussi en quelques jours à se hisser en tête des ventes de la plateforme Steam sur PC.

 

Le fils spirituel de la série SWAT

Il faut l’avouer, ce jeu aurait pu littéralement s’appeler SWAT 5, tant il rend hommage à la série culte de Sierra, non seulement sur le gameplay, mais aussi sur l’ambiance générale du jeu, car les développeurs de VOID Interactive se donc sont basés sur le quotidien des unités d’intervention américaines.

Ce choix est plutôt intelligent. En effet, contrairement à beaucoup d’autres pays, qui ont choisi de créer des unités d’intervention d’élite et à compétence nationale, les Américains ont laissé se développer plusieurs centaines d’unités SWAT (pour Special Weapons and Tactics). Si certaines sont extrêmement prestigieuses et professionnelles, comme celles du FBI ou des Police Departments des grandes villes, d’autres sont beaucoup plus « rustiques », tant sur les méthodes que sur l’équipement.

Cet ancrage scénaristique se ressent aussi du coté des situations de crises : on est clairement aux Etats-Unis, car il est ici question de laboratoires clandestins de méthamphétamine, de prises d’otages dans un hôtel, ou encore de raid sur la villa d’un narcotrafiquant…

 

Un gameplay rustique et authentique

Assez logiquement, la mission commence par la séquence d’équipement. Ici encore, le choix de s’ancrer dans la réalité des SWAT est percutant : dans RoN, pas de gadgets inutiles ou farfelus : on est sur un équipement classique, que l’on peut trouver dans n’importe quel commissariat américain et qui est parfaitement éprouvé.

Idem pour les armes, qui sont réalistes et toutes en dotation dans les forces de police US. Leur modélisation est fidèle, et le gunplay est suffisamment exigeant pour être “easy to learn, hard to master”. Utiliser la rafale ou le fusil à pompe demandera par exemple un peu d’apprentissage. Mention spéciale au bouclier tactique qui vous sauvera bien des parties !

Ensuite, la mission commence et, comme pour ses lointains ainés SWAT et RAINBOW 6, tout est ici question de progression dans la lenteur et le silence, avec une part importante accordée à la reconnaissance et à l’inspection des lieux. Dans l’esprit d’une intervention policière, il faut donc neutraliser, sécuriser, interpeller et, comme pour ses prédécesseurs, l’usage de la force létale est considéré comme un échec dans RoN.

De fait, la tension est présente à tous les instants et les erreurs ne pardonnent jamais. Et c’est justement là que la coopération prend tout son sens : qu’un membre de l’équipe s’écarte de son rôle en oubliant de surveiller une issue ou de couvrir un angle, et c’est le Game Over assuré, et d’autant plus pénalisant que, d’une partie à l’autre, toute la configuration de la mission varie et que les objectifs et pièges ont changé d’emplacement !

 

Un véritable succès qui devrait interroger les AAA

Un jeu difficile, lent et authentique ? C’est exactement l’inverse de ce proposent actuellement les grands éditeurs, qui multiplient les multi compétitifs aux scénario faméliques et à l’authenticité inexistante.

Pour autant, les joueurs ont-ils peur de ce jeu exigeant ? Il semblerait que non puisqu’il récolte actuellement l’appréciation “très positif” sur la plateforme Steam, et se retrouve en top des ventes. Un succès qui détonne quand, dans le même temps, le mastodonte BATTLEFIELD 2042 connait un lancement absolument catastrophique, et que l’avenir de la licence RAINBOW 6 est loin, très loin, de passionner les foules et continue à piétiner l’héritage de Tom Clancy.

On peut aussi constater que même si le jeu n’est pas parfait graphiquement (il est encore en beta), il est généreux et authentique. Les environnements sombres obligent aussi à utiliser l’ensemble des outils lumineux à disposition (intensificateur de lumière, sticks, utilisation pertinente de la lampe tactique). Et surtout, son intransigeance est un véritable challenge, qui pousse les joueurs à l’excellence comme pouvait le faire, par exemple, les épisodes Rogue Spear ou Raven Shield de la série RAINBOW 6.

On ne peut donc qu’espérer que RoN soit un succès, et marque le renouveau du tactical shooter authentique et punitif. Il y a ici un vrai marché à prendre : celui des joueurs en recherche de jeux réalistes et ancrés dans la réalité, qui restent toujours dans l’attente d’un successeur aux RAINBOW 6 et aux GHOST RECON canoniques, qui les avaient transportés au cœur de crises internationales parfaitement plausibles.